L'autisme et les frères et sœurs
Les enfants qui grandissent avec un frère ou une sœur avec un trouble du spectre de l’autisme sont confrontés à une situation relationnelle particulière face à laquelle ils ne peuvent rester indifférents.
Les témoignages de ces enfants sont toujours d'une très grande richesse. Ils mettent souvent en évidence les ressources et les capacités que ces jeunes ont pu développer, mais aussi parfois leur désarroi face à certaines situations.
Dans le développement psychologique de l'enfant, l'accent est d'abord mis sur les relations établies entre celui-ci et ses parents. Par ailleurs, les liens fraternels vécus à cette époque vont également marquer l'enfant dans la construction de son identité et dans ses relations sociales et affectives, de manière plus ou moins importante. C'est au sein de sa fratrie que l'enfant va expérimenter les rapports avec ses pairs, être confronté à des idées et des sentiments d'agressivité, à des vécus de rivalité, mais aussi à des idées et des sentiments d'affection, d'attachement, de solidarité, de protection et d'apprentissage du partage. Il va s'ouvrir à la complicité, à la découverte de l'autre dans ce qu'il a de semblable et de différent. On peut, dès lors, comprendre que lorsqu'un enfant est porteur d'un handicap, cela puisse entraîner bien des remous affectifs et des questionnements pour son frère ou sa sœur. Mais il peut aussi en résulter de nouvelles richesses dans la relation fraternelle.
Les frères et sœurs manifestent d'ailleurs des ressources étonnantes et des capacités d'inventivité pour entrer en relation avec l'enfant ayant de l'autisme. Mais ils montrent aussi leur lucidité face à la problématique de la différence et les désagréments qu'elle engendre comme l'envahissement par certains comportements, la souffrance face au regard des pairs, ainsi que leur manque de moyens parfois pour faire face à l'emprise de leur frère ou sœur ou à la sévérité de ses troubles.
La vie avec un frère ou une sœur qui a de l'autisme entraîne chez certains enfants des adaptations positives avec un enrichissement de leur maturité, un souci de bienveillance, un désir de faire plaisir et d'intégrer l'enfant dans les activités familiales, etc. Il peut être alors question de 'résilience'. D'autres, dans une adaptation intermédiaire, vivent une relation de parentification, un sentiment d'être délaissés, de l’anxiété mais également des expériences positives de partage de plaisir ou autres.
D'autres encore, manifestent des attitudes trop conformistes, se comportent tels de petits adultes, avec des attitudes de parentification ou de résignation extrême (l'expression de tout sentiment négatif à l'égard du frère ou de la sœur ayant de l'autisme est inhibé) ou à l'inverse, manifestent des attitudes de confrontation démesurées. Ces caractéristiques, d'un 'envahissement' par le trouble du spectre de l'autisme, doivent susciter notre préoccupation à leur égard.
En conclusion, il semble nécessaire d'inclure la fratrie dans la prise en charge de l'enfant présentant de l'autisme. Il s'agit de veiller à une approche personnalisée pour chaque enfant de la fratrie, à tenir compte de sa présence, des interactions au sein de la fratrie et de ses besoins éventuels. Cette approche, quelle qu'elle soit, aura des retombées sur l'ensemble de la fratrie, mais également sur l'enfant présentant de l'autisme et sur les parents.
Quelques références cinématographiques révèlent aussi ce monde de relations fraternelles particulières. Ainsi Gilbert, le héros de "What is eating Gilbert Grape?" (1993), incarne le rôle du frère 'parent' vivant une liaison fusionnelle avec son jeune frère Harny, ayant de l'autisme, dont il ne peut envisager de se séparer même lorsqu'il crée son propre couple. "Rain Man" (1988) ou "L'enfant de la nuit" (2001) illustrent également le vécu des frères et sœurs face à l'autisme. Dans un autre registre, la série "Atypical"( 2017-2021) décrit la situation familiale de Sam et sa relation avec sa sœur, qui l’aide à décoder les relations sociales et à adapter son discours au contexte.
Qu'est-ce qui influence les relations fraternelles ?
La manière dont l'enfant va se développer en relation avec son frère ou sa sœur avec autisme dépend de toute une série de facteurs :
- Les facteurs liés à la fratrie : certaines caractéristiques propres à la fratrie telles la place du frère ou de la sœur par rapport à l'enfant ayant un TSA (s'il est l'aîné ou le cadet), le sexe, de même que la différence d'âge et la taille de la fratrie vont influencer le vécu de la fratrie.
- Les facteurs liés aux difficultés propres de l'enfant avec autisme : parmi ces facteurs, notons le degré de sévérité de l'autisme, le niveau cognitif et de langage, la présence de troubles du comportement tels des comportements auto ou hétéroagressifs, des comportements gênants ou inadaptés au contexte ainsi que la présence ou non de maladies neurologiques ou de syndromes génétiques, un TDA/H, ...
- Les facteurs liés au vécu parental et au contexte familial : l'image de l'enfant avec autisme n'est pas la même pour le frère ou la sœur que pour le parent. Si le parent souffre des difficultés actuelles et projette celles qui apparaîtront à l'avenir suite au handicap, la fratrie va, elle, vivre au jour le jour avec cet enfant. Par contre, elle ressent l'atmosphère émotionnelle qui circule chez les parents et dans la famille élargie autour de cet enfant et y sera très sensible. L’image de l'autisme véhiculée à l'extérieur, les mots prononcés pour parler du handicap, si mots il y a, ainsi que la liberté avec laquelle ces mots peuvent être utilisés sont des éléments importants qui influenceront le vécu de la fratrie.
Pour permettre l’épanouissement de chacun, il est important que la famille bénéficie d'un soutien sous forme de réseaux informels (voisins, mouvements de jeunesse...) ou de soutien plus institutionnalisé (service d'accompagnement à domicile), association de parents, etc.